l'Ain de 1939 à 1945 : articles en ligne

Le bombardement de la gare de Bourg en 1940

Le 16 juin 1940 la population burgienne vaque à ses occupations tout en regardant « passer les troupes »[1] françaises en replie lorsque que plusieurs avions, que certains civils repèrent dans le ciel, venant en direction de Lons-le-Saunier, volant à basse altitude. Ce ne sont pas les premiers avions qui passent, puisque depuis plusieurs jours des avions étrangers survolent la ville. Ceux-ci, toutefois ouvrent le feu. Rue de la Liberté, « le dimanche 16 Juin 1940 vers 4 h de l’après midi on entendit un avion qui passait bas sur la gare puis le sifflement des obus et leur explosion. Cela dura 5 bonnes minutes. Chacun se coucha au sol »[2].
La panique et le bruit se font entendre jusqu’au centre ville où se trouve Maguy Dunand, « ce fameux 16 Juin 1940, avec ma camarade, nous sommes descendues en ville. Il faisait très chaud…On s’est assises au petit café en face de la Préfecture...lorsqu’on a entendu un grand sifflement puis des militaires nous ont dit de rejoindre...les caves de la Préfecture car il y avait un bombardement. Des bombes tombaient sur le haut de la ville et nous étions terrorisées… car nos parents s’y trouvaient. Une bombe est tombée non loin de la rue Jules Ferry ».
Ms Blanchet et Perret, présents faubourg de Lyon, crient « sauvez-vous » à la population présente. Mme Fenouil qui est chez elle, commence à descendre dans la rue tandis que Louis Blanchet se précipite au 16 faubourg de Lyon couper les compteurs de Gaz. A ce moment une bombe tombe sur la maison, soufflant Claude Perret et faisant tomber à terre Louis Blanchet qui avait eu le temps de courir 20 mètres. « D’autres obus tombèrent sur la voie ferrée près du passage à niveau du mail, d’autres enfin à l’entrée de la rue de la Citadelle ce qui causa des dégâts à la maison du tailleur de pierres. Des personnes assises sur un banc du mail furent tuées. Un camion transportant des soldats fut pulvérisé si bien qu’à Ste Madeleine on trouva dans le parc un thorax de soldat sur le toit d’un bâtiment et dans le potager, les deux jambes d’un autre ». Une bombe tombe sur un wagon se trouvant sur les voies de garage où a lieu une formation de train, blessant très gravement Gaston Cabaud. La maison du 16 faubourg de Lyon est eventrée et dans les décombres gis le corps de Lucie Fenouil, décédée « tandis que son enfant passait sa main sur sa tête qui portait une blessure »[3]. Il décède plus tard, après avoir été transporté en ambulance.
De retour sur le plateau, Maguy Dunand voit « énormément de fumée et de poussière. La tréfilerie était toute en flammes, des tuyauteries explosaient, de l’eau coulait de partout La bombe avait creusé un entonnoir de 7 m de diamètre et 4 m de profondeur ».
Le bombardement italien est si mauvais que la gare est épargnée mais 13 personnes décèdent, 15 autres sont blessées et 15 personnes ont des biens endommagés voir détruit. Un service funèbre pour les victimes du bombardement à lieu le 11 août à l’église du Sacré-cœur avec la présence de l’évêque de Belley, Maisonobe.

Jérôme Croyet
docteur en Histoire
président de Mémoires de l'Ain 1939-1945

 
[1]     Procès-verbal d’audition de Louis Blanchet et de Claude Perret sur la mort de Lucie Fenouil, née Colenson, lors du bombardement de la ville. 18 août 1943. .A.D. Ain 4M commissariat de police de Bourg.
[2]     Témoignage de Marie Claude
[3]     Procès-verbal d’audition de Louis Blanchet et de Claude Perret sur la mort de Lucie Fenouil, née Colenson, lors du bombardement de la ville. 18 août 1943. .A.D. Ain 4M commissariat de police de Bourg.

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les menées anti-nationales dans l'Ain sous Vichy

A côté des internements administratifs, sont mis en place, tous azimuts, des fichiers de personnes. Ainsi, le 18 novembre 1941, les 90 membres des sections de Bourg et Oyonnax du Secours Populaire Français de l’Ain sont fichés. A l’initiative du RG de Bellegarde, les employés de la SNCF sont surveillés. Cette surveillance des employés de la SNCF est demandée par le préfet de l’Ain à l’inspecteur de la SNCF à Bourg à partir du 18 novembre 1941, et renforcée en janvier 1942. Cette surveillance s’inscrit dans la lutte contre le communisme en France. 37 agents de la SNCF sont répertoriés comme pouvant être dangereux pour l’ordre public, en cas de troubles, par le RG. Cette surveillance des personnes comprend même à partir de 1942, aux chantiers de jeunesse, où la conduite dangereuse des jeunes pour la société est examinée. A partir du 13 novembre 1942, et l’invasion de la zone sud, la propagande anarchiste et communiste est très surveillées dans les milieux espagnols. Dès lors le Gouvernement et l’administration demandent au préfet un rapport annuel faisant état des personnes arrêtés, internées, expulsées et perquisitionnées.
Le 19 décembre 1942, l’Etat Français, par l’intermédiaire du ministère de l’Intérieur, met en place une surveillance des menées antinationales. Pour ce faire, il s’appuie sur une circulaire ministérielle du 16 décembre 1939. Si les directives de 1939, ne traitaient que des menées communistes et anarchistes, le ministre de l’intérieur de Vichy étend leur champ d’actions « en matière de répression des menées antinationales à tendance gaulliste ou pro-britannique »[1]. Dès lors les intendants de police doivent remplir des états mensuels prenant en compte le nombre de perquisitions effectuées, le nombre des arrestations, le nombre de personnes internées et le nombre de personnes condamnées.
Toutefois, dès janvier 1943, la pression et la surveillance sont accrues contre les Travailleurs Etrangers à Leyment, Torcieu et Seyssel. De janvier à septembre 1943, 16 perquisitions sont effectuées au titre des menées antinationales.
Entre décembre 1942 et mai 1944, 46 personnes sont arrêtés pour menées antinationales dans l’Ain. Le point culminant de ces arrestations est en juin et septembre 1943. Les personnes arrêtés reflètent bien les multiples facettes de l’accusation vaste et floue de menée antinationales puisqu’on y trouve des détenteurs de tracts gaullistes et communistes ; des personnes ayant ou faisant des activités subversives ; des évadés ; une personne accusée d’attentat et des personnes accusées de menées antinationales, accusation fourre-tout. Les personnes les plus nombreuses arrêtées l’étant pour menées antinationales et évasion.
Le dernier rapport du préfet de l’Ain sur les menées antinationales à tendances gaullistes ou pro-britanniques date du 11 août 1944, pour le mois de juillet, mais ne fait état d’aucune arrestation, aucune perquisition, aucun internement et aucune condamnation. Il en est de même pour le mois de mai, mars, février, janvier 1944. Juillet 1943 : Néant. Février 1943 : Néant. Janvier 43 : néant

[1] Note du Ministre de l’Intérieur au préfet de l’Ain, Vichy, 19 décembre 1942. A.D. Ain 180W 120.
Jérôme Croyet
docteur en Histoire
président de Mémoires de l'Ain 1939 - 1945

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l'internement administratif dans l'Ain sous Vichy

Dès la mise en place du Gouvernement de Vichy et de l’Etat Français, les mesures d’internement administrative pleuvent. Ces mesures s’appuient sur le décret du 18 novembre 1939 « relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la défense nationale et la sécurité publique », renforcée par le décret du 3 septembre 1940. Dans l’Ain elle sont mises en place dès décembre 1940 et durent jusqu’en novembre 1943. Toutes manifestations anti-gouvernementales sont réprimées, notamment les agissements communistes mais aussi l’alcoolisme et la paresse. Ainsi, au 29 janvier 1941, 73 arrêtés d’internement sont pris par la préfecture de l’Ain[1]. des dizaines de personnes, tant hommes que femmes, sont internés à Vancia, à Fort-Barraux, à Montluc[2]. Le 28 avril suivant, le commissaire de police spéciale de Bellegarde adresse au général commandant la 7e division militaire une liste très secrète de 27 personnes résidents dans l’Ain, « qui pourraient être considérées comme dangereuses pour l’ordre public en cas de trouble et dont la mise hors d’état de nuire s’imposerait »[3]. Au 31 décembre 1941, 61 personnes, dont 4 femmes, domiciliées dans l’Ain sont internées. Au 1er avril 1942, leur nombre est de 41. Au 4 octobre 1943, 101e personnes de l’Ain sont internées dont 4 femmes.
Dès octobre 1940, des recherches sont effectuées dans l’Ain pour trouver un bâtiment capable de devenir un centre d’internement, mais elles s’avèrent nulles. Face à l’accroissement des internés et la politique d’internement des opposants, le 10 octobre 1941, le ministre de l’Intérieur demande au préfet de l’Ain s’il existe un bâtiment pouvant devenir un camp d’internement, ou centre de séjour surveillé, dans l’Ain. Le 22 octobre suivant, le préfet de l’Ain répond par la négative.
Dès lors, l’armement des internés est soumis aussi à autorisation et la possibilité offerte par la Loi d’avoir une arme est remise en cause par les circulaires du ministre de l’Intérieur des 7 et 9 septembre 1942 qui prescrit de refuser des permis de chasse ou de les retirés, aux internés administratifs.


[1] 9 le sont au titre du Gouvernement de Guerre, avant juin 1940.
[2] A la Libération, les personnes internées sous Vichy demandent à pouvoir bénéficier d’indemnités. Dès le 18 septembre 1945, le préfet de l’Ain se fait le porte-parole de ces demandes auprès du ministre de l’Intérieur.
[3] Lettre du commissaire de police spéciale de Bellegarde adresse au général commandant la 7e division militaire, Bourg, 28 avril 1941. A.D. Ain 180W 262.

Jérôme Croyet
docteur en Histoire
​président de Mémoires de l'Ain 1939 - 1945

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La Bataille de Meximieux

                        Le 18 août 1944, la XIXe armée allemande retraite dans la vallée du Rhône. Elle est durement accrochée à Montélimar. Talonnée au sud par la 45e division américaine et menacée d'encerclement par le nord, le 31, les forces allemandes savent qu'il leur faut tenir 48 heures pour leur permettre de finir de passer par le nord de Lyon. Dès le 28, la 11e panzer division est chargée d'assurer la défense de la retraite et se regroupe au camp de Sathonay pour prendre la direction de Miribel et Bourg.
Alban Vistel, le 23, ordonne aux F.F.I. du Bugey, légèrement armés, de converger sur Lyon. Le jour même les troupes allemandes évacuent Meximieux. Le 24, le capitaine Clin, commandant des F.F.I du bataillon de Lagnieu, installe ses troupes à Meximieux. Le lendemain, la 5e compagnie F.U.J. occupe le petit séminaire. Le mercredi 30 août au matin, alors que les restes de la XIXe armée allemande passent par Villefranche, une colonne américaine du 179e régiment d'infanterie dirigée par le colonel Murphy arrive à Meximieux. Elle doit permettre à l'armée américaine de rejoindre Mâcon pour couper la retraite allemande. En vue de retarder l'avance américaine, un détachement du 111e panzer grenadiers arrive le 31 août à Montluel, puis se dirige à 14 heures sur Meximieux où aura lieu la bataille. En effet, située à la sortie de l'entonnoir formé de la vallée du Rhône et des montagnes du Bugey, Meximieux est le seul terrain propice à un affrontement de grande envergure. Le colonel Murphy, qui installe son P.C. au petit séminaire de Meximieux, prend toutes les dispositions stratégiques. Dans l'après-midi, les forces américaines, composées de deux chars destroyers M10 et de quelques pièces d'artillerie légère, sous les ordres du Colonel Davison se disposent en vue d'une bataille défensive.
Le 31 août, les blindés allemands attaquent la Valbonne afin de pouvoir se diriger sur Meximieux et encercler la ville par l'ouest et le nord. Ils n'ont en face d'eux qu'une centaine de maquisards et d'américains. A Dagnieu les panzer grenadiers affrontent les hommes du camp Didier. De toutes parts, le combat est inégal. Le capitaine Clin ordonne le retrait de ses troupes sur Meximieux.
Le 1er Septembre vers six heures du matin, le Pont de Chazey saute tandis que Pérouges, tenue par les F.U.J, tombe sans que les M 10 n’essayent de se porter au secours des FFI[1]. Les allemands n'ont en face d'eux qu'une centaine de maquisards et d'Américains en position à Pollet. Le combat étant inégal, le capitaine Clin ordonne le retrait de ses troupes : blessés et rescapés rejoignent Meximieux.
Les allemands commencent l'encerclement de Meximieux à 9 heures par une attaque sur les quartiers des Maisons Neuves, de Saint Julien et de la Gare. Trois chars allemands Panther sont détruits par des M10 américains. A midi, une seconde attaque, repoussée, de blindés allemands a lieu au sud de la ville. A 15 heures, les chars allemands contre attaquent, en vain, en direction de la gare et de la mairie. La lutte continue. A Charnoz, l'artillerie américaine positionne deux batteries pour pilonner Meximieux ; une sous le Moulin, l'autre dans l'allée du cimetière. Par mesure de sécurité, la population du village est évacuée par bateau vers la ferme du Luizard sur la commune de Chazey. De 17 heures à minuit, deux offensives allemandes venant du nord déferlent sur la ville : les panzer grenadiers prennent le nord de la ville puis le château et la cour du séminaire sans pouvoir occuper le bâtiment transformé en camp retranché.
La lutte continua : les fantassins allemands prirent alors la partie nord de la ville, puis le château et la cour du séminaire, sans pouvoir occuper le bâtiment où se trouvait le P.C. américain et des résistants.
Ayant gagné le temps nécessaire à l'évacuation de leur armée mais sans vraiment ralentir les américains, les allemands se retirent vers trois heures du matin en emmenant douze F.F.I. et quarante et un américains prisonniers. Trois des F.F.I. capturés seront exécutés le 3 septembre allée de Challes à Bourg. Les pertes F.F.I. sont de 28 morts et de 37 blessés. Les pertes américaines sont de 14 morts tandis que les allemands laissent sur le terrain 85 tués, 9 Panther, 3 Panzer III, 2 automoteurs Humel et 10 autres véhicules faisant de la bataille de Meximieux une des seules batailles de chars de la libération du sud de la France.
Il y a eut dix victimes civiles à Meximieux, deux à Pérouges et une à St Maurice de Gourdans. A Meximieux, sept immeubles sont totalement détruits, soixante-sept très endommagés, quarante deux très légèrement touchés. A Saint Maurice de Gourdans, quatre immeubles sont incendiés ou détruits.
[1] Un des chars reste coincé dans une des portes de Pérouges. Il est abandonné par son équipage, qui se fait allumer par les FFI mécontents. Témoignage de mr Volland, ancien F.U.J.

Jérôme Croyet
docteur en Histoire
président de Mémoires de l'Ain 1939 - 1945

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la bataille de Montrevel


C’est sous la grêle, que la 117e cavalry reconnaissance squadron, composé de 124 hommes, dix véhicules blindés et dix-huit jeeps qui manquent de grenades à main et de charges explosives puissantes pour les canons de 37 mm, reçoit l'ordre de prendre la ville de Montrevel, afin de couper la retraite allemande de Bourg à Mâcon. Se rendant compte qu'on les envoie au casse-pipe, le lieutenant-colonel Hodge proteste, jusqu'à l'insubordination. Mais Truscott résiste, il veut son action d'éclat et sous estime la 11e panzer division. A 23 heures, sous une pluie froide, les 5 chars Stuart M5, les 3 obusiers automoteurs Priest et les jeeps se mettent en route dans une course folle.
Tôt le matin du 3, après avoir libéré Etrez, les américains, auxquels se joignent des F.F.I., capturent facilement 70 soldats allemands puissamment armés, arrivés la veille, et occupent Montrevel. Très rapidement, la 11e panzerdivision, dont l'état-major est près de Bourg, contre-attaque sévèrement d'autant plus qu'elle connaît la faiblesse du système défensif américain. Le bataillon de reconnaissance soutenu par six blindés, du génie et des canons automoteurs se mettent en route sur Montrevel. Cherchant à couvrir sa retraite, la troupe allemande encercle Montrevel alors que « la population avait fui en partie et s’était réfugiée dns la campagne »[1]. La bataille commence vers 11 heures et tourne au désavantage des américains : leur armement n'a aucun effet sur les blindages des Panther allemands. L'arrivée des M5 et des Priest dans l'après-midi ne change pas grand chose au combat. Un officier américain doit utiliser des panzerfaust allemands pour contenir les blindés de la 11e panzer division qui reflux à cause de l'exiguïté des rues. Malgré les efforts héroïques des G.I.'s, à 16 heures 30, leur situation au centre ville est sans espoir, les troupes du génie allemandes s'attaquent aux maisons, les unes après les autres et l'artillerie allemande est d'une redoutable efficacité dans ses combats urbains. Pour les américains, trop de blessés, plus de munitions. Peu de temps après les 70 survivants qui n'ont pas réussi à s'échapper, sont capturés ou se rendent. Ils laissent sur le terrain trois chars Stuart, des jeeps, des half tracks et une automitrailleuse M8 sans avoir réussi à couper la retraite allemande. Ces derniers déplorent 60 victimes allemandes. Deux français sont tués et un est blessé. Durant cette bataille, les Allemands commettent leurs dernier et ultimes crimes de guerre sur les populations civiles de l’Ain en violant deux jeunes femmes vers 17 heures.
            Alors que la 19e armée allemande se replie le long de la Saône, les troupes alliées progressent le long de la N 83. Frustré par les offensives allemandes du 1er septembre, qui l'empêchent d'utiliser la mobilité de ses troupes pour attaquer les allemands par le flanc et informé du changement de direction de leur retraite vers Besançon, le général Truscott envoie le 117ecavalry squadron reconnaître la ligne allemande au nord et au nord est dans l'Ain. De leurs côtés, les allemands ne sont plus en mauvaise position puisqu'en se repliant ils bénéficient de leur ligne ravitaillement.
Le général Truscott, qui ne veut pas attendre les troupes du 179e régiment d'infanterie et de la 45edivision qui se reconstituent à Meximieux, demande alors à bénéficier de la priorité sur les troupes françaises libres pour aller au nord sur Lons-le-Saunier. Désirant gagner de vitesse la 1èrearmée française, il argumente que les chars et véhicules français n'ont plus d'essence alors qu'il ne dispose que de maigres effectifs. Patch lui fait confiance, mais lui confie la mission de couper la retraite allemande de la 11e panzer division entre Bourg et Lyon.
Le 2 septembre, sous la grêle, la 117e cavalry reconnaissance squadron, composé de 124 hommes, dix véhicules blindés et dix-huit jeeps qui manquent de grenades à main et de charges explosives puissantes pour les canons de 37 mm, reçoit l'ordre de prendre la ville de Montrevel, afin de couper la retraite allemande de Bourg à Mâcon. Se rendant compte qu'on les envoie au casse-pipe, le lieutenant-colonel Hodge proteste, jusqu'à l'insubordination. Mais Truscott résiste, il veut son action d'éclat et sous estime la 11e panzer division. Durant toute la journée, « les allemands passent…en voiture, en vélo, l’air fatigué »[2] sous une pluie abondante. « Le soir certains ont cantonné à Montrevel »[3]. A 23 heures, sous une pluie froide, les 5 chars Stuart M5, les 3 obusiers automoteurs Priest et les jeeps se mettent en route dans une course folle. Tôt le matin du 3, après avoir libéré Etrez, les américains, auxquels se joignent des F.F.I., capturent facilement 70 soldats allemands puissamment armés, arrivés la veille, et occupent Montrevel.
Très rapidement, le 3, la 11e panzerdivision, dont l'état-major est près de Bourg, contre-attaque sévèrement d'autant plus qu'elle connaît la faiblesse du système défensif américain. Le bataillon de reconnaissance soutenu par six blindés, du génie et des canons automoteurs se mettent en route sur Montrevel où ils arrivent vers 6 ou 7 heures. Cherchant à couvrir sa retraite, la troupe allemande encercle Montrevel. La bataille commence vers 11 heures. Le combat tourne au désavantage des américains : leur armement n'a aucun effet sur les blindages des Panther allemands. L'arrivée des M5 et des Priest dans l'après midi ne change pas grand chose au combat. Un officier américain doit utiliser des panzerfaust allemands pour contenir les blindés de la 11epanzer division qui reflux à cause de l'exiguïté des rues. Malgré les efforts héroïques des G.I.'s, à 16 heures 30, leur situation au centre ville est sans espoir, les troupes du génie allemandes s'attaquent aux maisons, les unes après les autres et l'artillerie allemande est d'une redoutable efficacité dans ses combats urbains. Pour les américains, trop de blessés, plus de munitions. Peu de temps après les 70 survivants qui n'ont pas réussi à s'échapper, sont capturés ou se rendent. Ils laissent sur le terrain trois chars Stuart, des jeeps, des half tracks et une automitrailleuse M8 sans avoir réussi à couper la retraite allemande. Ces derniers déplorent 60 victimes allemandes. Deux français sont tués et un est blessé.
Les renforts arrivent, mais trop tard, « le 2nd Bn [du] 179th est envoyé a Montrevel pour aider le 117th. Le 2/179th est alors sur une "corps mission" (6e corps) et restera avec le 117th jusqu au soir du 6 septembre alors qu’ils sont à Arbois. Le reste du 179th est deja a Lons le Saunier le soir du 5 septembre ».
Durant cette bataille, les Allemands commettent leurs dernier et ultimes crimes de guerre sur les populations civiles de l’Ain en violant deux jeunes femmes vers 17 heures. Plusieurs habitants ont des pillages à déplorer.

[1] Rapport de la brigade de Montrevel, 23 novembre 1944. A.D. Ain 1433W.
[2] Souvenirs de Léon Vulin sur la bataille de Montrevel. A.D. Ain 1433W 6.
[3] Souvenirs de Léon Vulin sur la bataille de Montrevel. A.D. Ain 1433W 6.
Jérôme Croyet
docteur en Histoire
Président de Mémoires de l'Ain 1939 - 1945

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10 juillet 1944 : la rafle de Bourg

Alors que la Milice s'érige pour l'opinion publique comme le dernier rempart de l'ordre, en justifiant ses actions par l'oppression dont elle, et les amis de l'ordre sont victime de la part du maquis[1], ce met en place dans le département l'opération Treffenfeld. Alors que les forces allemandes parcourent le département pour lutter contre les maquis, à lieu à Bourg, le 10 Juillet, la plus grande opération d'oppression ; 80 voitures sont réquisitionnées. Ce type d'opération de rafle massive sur les arrières, couplée à une action militaire d'envergure, est alors commune sur le front de l'Est contre les partisans. Les hommes du S.D. ne font que reproduire à Bourg un système qui a déjà fait ses preuves.
Le 9 juillet, des camions allemands transportant des soldats arrivent de Lyon et stationnent avenue Alsace-Lorraine. Le 10, la Sipo S.D. de la Gestapo de Lyon, sous les ordres du sous-lieutenant S.S. Barbi, auquel sont adjoints des hommes de troupes (sans doute les cosaques casernés à Aubry), aidée par la 3e unité de la Milice sous les ordres de Dagostini, opère une rafle de 1 280 hommes de 17 à 45 ans dans les rues de Bourg. L'opération commence à l'aube. La mairie de Bourg informe les habitants de la ville des mesures prises par les Allemands : « la population doit rester chez elle sans sortir depuis maintenant jusqu’à la fin des opérations. 1° tous les hommes de 17 à 45 ans doivent se rassembler pour 7h 30 sur les places suivantes : pour les hommes du secteur sud, cours de la Préfecture – pour les hommes du secteur nord, cours de Verdun. Pour les hommes du secteur ouest, place Clémenceau. Devant l’hôpital pour les hommes du secteur Est.
Ils devront être porteur de leur carte d’identité, de leur livret de famille et carte de travail.
3° toute personne de 17 à 45 ans qui ne sera pas à 7h 30 sur les lieux de rassemblement sera fusillé.
4° Des visites à domicile seront faites.
5° La police municipale en uniforme se rassemblera pour 7h 30 au commissariat de police – la gendarmerie se rassemblera à la caserne.
Les autres policiers se rendront sur les lieux de rassemblement, comme le reste de la population »[2].
Sous une chaleur de plomb, tout les hommes sont arrêtés et parqués dans trois points : l'hôpital, le cours Verdun et dans la cour de la préfecture et gardés par des russes blancs. La plan de Barbi est simple. Accompagné du délégué à Lyon du gaultier Sauckel, Krekler, il destine ces hommes, potentiellement maquisards, à être déportés. Pour les services de renseignements de la résistance, la rafle de Bourg marque le départ de l'opération Treffenfeld. Cours Verdun, un officier allemand, attablé, vérifie les papiers d'identité et réparti les hommes en deux groupes. Un premier comptant une petite dizaine d'hommes, suspects, et un second, comptant 80 à 100 hommes. Les groupes restent en place jusqu'à 15 heures, heure à laquelle débute un terrible orage qui pousse les allemands à laisser partir les raflés non suspects[3]. Dans la cour de la préfecture, les choses se déroulent d'une manière plus dramatique puisque deux jeunes hommes sont froidement abattus par Barbi.
Les hommes sont alors rassemblés au cinéma, avec pour destination, la gare et l’Est. Les Allemands prévoyant de les déporter, ils leur autorisent à recevoir de leur famille « 1 colis composé de ravitaillement et d’effets chauds »[4] avant de signifier que « tout départ sera précédé d’une visite médicale »[5], sans doute afin de vérifier, suivant les théorèmes fumants nazis, la présence de juifs. Une liste de personnes déportée est publiée. Leurs colis doivent être déposés « avant 16 heures à la gare de Bourg »[6]. Le 11 juillet, Dagostini demande la liste des hommes indispensables à la bonne marche de la vie administrative et de la ville. Le maire lui fait parvenir une liste de 32 noms d’où les noms des 12 pompiers sont retirés comme « désignés pour le départ »[7].
Informé des intentions du chef du S.D., Simon, qui ne veut pas voir intervenir les Allemands dans les affaires de police intérieure[8], alerte le préfet de l'Ain et intervient auprès du général Niehoff qui, le 13 Juillet au soir, arrête l'opération de transit commencée quelques heures auparavant par le regroupement dans la préfecture des raflés et la dispersion de plusieurs d'entre eux dans les casernes Aubry et Brouet. Le S.D. est dessaisi de l'affaire au profit du Verbindungsstab. À 13 heures, 300 personnes sont libérées, puis, en accord avec la Milice, le Verbindungsstab, "examine tous les cas avec compréhension"[9] dans la salle du Vox.
Le 16 Juillet au soir, seule une trentaine de personnes restent en état de détention. Néanmoins, le S.D. abat plusieurs hommes à Bourg mais aussi dans ses environs. Au total 25 personnes sont assassinées (dont des juifs et des résistants) et 9 sont déportés.

[1] Le milicien Chaduc, de Belley, estime à 200 le nombre de collaborateurs exécutés du 8 Juin au 12 Juillet 1944 dans l'Ain et le Haut Jura par la Résistance. En bon démagogue, il ne fait pas mention des victimes tombées sous les balles allemandes et miliciennes au même moment.
[2] Note du maire de Bourg. N.d. A.M. H 135.
[3] Témoignage de M. Subreville, lui même raflé ce jour là, 6 septembre 2004.
[4] Note, n.d. A.M. Bourg H135.
[5] Note, n.d. A.M. Bourg H135.
[6] Note, n.d. A.M. Bourg H135.
[7] Liste des sapeurs pompiers de la ville de Bourg désignés pour le départ. Nd. A.M. Bourg H 135.
[8] De même à Belley, le chef local de la Milice, intervient auprès des allemands pour faire relâcher une partie des personnes raflées.
[9] Rapport de la Section française de Liaison de Bourg, 15 Octobre 1944. Centre de documentation du Musée de la Résistance de Nantua, ancienne A.C. Nantua série S.

l'occupation italienne dans l'Ain

En réaction au débarquement allié en Afrique du Nord, les troupes italiennes envahissent le sud du département de l’Ain.
Belley est occupée par les troupes italiennes du groupe d’artillerie Val d’Orco du XX Rag. Sciatori dont le PC set à Chambéry. La zone soumise au contrôle des troupes italiennes, ligne bleue s’étant jusqu’à Nantua, qu’elle englobe. Toutefois les troupes présentes dans l’Ain sont minimes pour l’ensemble des troupes italiennes en France, à peine 0,8% mais elles représentent quand même 800 soldats dans 6 communes.

Même si les troupes italiennes ne sont pas vindicatifs leur présence n’est pas non plus acceptées par la population du département qui leur fait parfois savoir, notamment les jeunes[1]. Néanmoins, ces troupes se comportent dans l’Ain en territoire conquis en n’hésitent pas, dans les arrondissements de Nantua et Belley, à voler des lapins, des poules, des moutons voir même des veaux, entraînant de nombreuses plaintes auprès de la gendarmerie. 15 vols sont ainsi recensés entre les 26 janvier et 22 février 1943, ainsi que quelques accidents provoqués par des militaires sur des civils.
Avec la dissolution de l’armée d’armistice et la division du territoire nationale entre les nazis allemands et les fachistes italiens, les troupes allemandes ne s’en préoccupent guère des accords et vont occuper des dépôts de l’armée française en zone italienne, notamment à Belley et Leyment, engendrant « quelques frictions ou suspicions »[2]. Les Italiens profitent largement de la dissolution de l’armée d’armistice, récupérant ainsi dans l’Ain 145 fusils et 1 068 pistolets ainsi que 342 équidés de l’armée française, représentant 10% des prélévements de chevaux fait par les Italiens dans leur zone.
La pression allemande sur la présence italienne est grande, avec la présence à Bourg des la 157e ID alors que la ligne de démarcation définie entre les Allemands et les Italiens, le 5 décembre 1942, passe par Bellegarde, Nantua, Pont d’Ain et Ambérieu. Toutefois cette ligne ne sera jamais respectée par les Allemands.
L’occupation italienne disparait le jour où l’Italie Fachiste se désagrège et que l’Italie rejoint le camp des Alliés.

[1] A Lagnieu, des conscrits de Sault-Brénaz urinent sur le camion d’un marchand italien, le jour de la visite médicale. S’en suit une expédition punitive des troupes italiennes sur les jeunes, qu’ils lynchent.
[2] PANICACCI (Jean Louis) : L’occupation italienne sud-est de la France, juin 1940 – septembre 1943. Presses Universitaires de Rennes, 2010.

Jérôme Croyet
docteur en Histoire
président de Mémoires de l'Ain 1939 - 1945

l'Ain de Vichy livre ses républicains espagnols aux Allemands

Le 9 décembre 1943, le préfet de région demande au préfet de l’Ain le regroupement de 116 travailleurs étrangers, afin de les mettre à disposition de l’organisation TODT. Le préfet de région ne manque pas de mettre la pression sur celui de l’Ain en lui écrivant « attirer votre attention sur nécessité obtenir réalisation intégrale »[1].
Le préfet de l’Ain fait l’état des GTE du département et après avoir constaté la dissolution des 550e GTE[2] et 69e GTE[3], le seul restant étant le GTE 128[4], déjà mis à mal par l’organisation TODT.
Dès le 11, le chef du 128e groupe est informé des décisions de l’Etat Français. Le chef du groupe, Wavrin, constate rapidement qu’un rassemblement en un lieu unique comme Ambérieu engendrerait des difficultés de logement, de nourriture et de possible évasions, d’autant plus que le GTE est réparti sur 20 cantons. Si 116 noms d’espagnols du 128e GTE sont choisis, 56 autres les ont aussi au cas où il y ai des défaillants.
Le 14 décembre 1943, le préfet de l’Ain demande les gendarmes nécessaires au transfert en quatre cars, mis à disposition par les Ponts et Chaussés. Ce sont les gendarmes qui sont chargés de réunir les 116e requis. Le départ de ces travailleurs est assez mal ressenti par la population, car non seulement ils travaillent mais ils aident les gens qui sont outrés la manière, « de la façon la plus brutale »[5], dont les gendarmes sont venus les chercher chez les particuliers où ils étaient détachés.
Les espagnols, composant le contingent, doivent « se munir de vivre pour un jour »[6]. Même si les travailleurs étrangers « ne doivent pas être considérés comme des indésirables »[7], ils sont néanmoins soumis à une surveillance gendarmique sévère. Le départ a lieu le 17 décembre, pour un rassemblement à Bourg et Ambérieu d’être rendus à saint Genis les Ollières dans le Rhône le 18.
De fait, les gendarmes ne réussissent qu’à réunir 90 hommes[8], pour être dirigés au fort de Chapoly. Le 22 décembre, le préfet de région invite le préfet de l’Ain a rechercher les défaillants du convois des 17 et 18 décembre, afin de les conduire sur Fort de Chapoly le 27 décembre[9]. Dès lors une vaste opération de police est lancée à Belley et Nantua, où, le 28 décembre, un seul espagnol a été arrêté ; 24 sont encore libres. Le 3 janvier 1944, le chef du gouvernement de l’Etat français porte à 116 un nouveau contingent de travailleurs étrangers que l’Ain doit livrer aux allemands de l’organisation TODT, « avant le 10 janvier »[10]. Le 7, le chef du 128e GTE déclare, par téléphone « n’avoir aucun nouveau contingent de TE à réunir »[11].

[1] Télégramme décembre 1943. A.D. Ain 180W 939.
[2] Dissout le 1er juillet 1943 et transféré en zone occupé.
[3] Son administration est à Seyssel – Savoie et ses homes au barrage de Génissiat. Il est dissout le 30 novembre 1943 et transféré au 539e en Isère.
[4] 400 travailleurs en juillet 1943, réduit à 250 en décembre 1943, suite à des affectations à TODT.
[5] Lettre de Claudius Demarthe, employé SNCF à Vaux en Bugey. 29 décmebre 1943. A.D. Ain 180W 939.
[6] Lettre du préfet de l’Ain au commandant de la gendarmerie, 14 décembre 1943. A.D. Ain 180W 939.
[7] Lettre du préfet de l’Ain au commandant de la gendarmerie, 14 décembre 1943. A.D. Ain 180W 939.
[8] 22 sont réunis à Ambérieu le 17 décembre, le départ a lieu le 18 à 14h. 18 à Bourg à 9 heures, 9 à Chalamont à 14 heures et 23 à Ambérieu le 18 décembre à 14 heures et 17 à Ambérieu le 19 décembre. Un est directement envoyé au fort.
[9] Le 26 décembre, un espagnol est arrêté chez son employeur à Lagnieu, un autre à Ambérieu. Le 27 un espagnol est arrêté à Ambérieu.
[10] Télégramme du 6 janvier 1944. A.D. Ain 180W 939.
[11] Télégramme du 6 janvier 1944. A.D. Ain 180W 939.

Jérôme Croyet
docteur en Histoire
​président de Mémoires de l'Ain 1939 - 1945